« Laisse, je m’en occupe »

23h, je suis à peine couchée que Juliette, 2 ans et demi, hurle, crie, m’appelle.
Je me lève. Elle a chaud, elle transpire, je la déshabille et la câline. Puis je me recouche dans mes draps chauds.
23h40, de nouveau, elle crie, je me relève, elle a froid ma petite, je lui remets sa couette, je lui masse le visage puis je me recouche.
0h30, elle hurle, mon cœur loupe un battement. Ma petite a soif, je lui donne à boire, je hausse un peu le ton, je lui explique que c’est la nuit, que tout le monde dort, Robin, sa nounou, les animaux, les arbres, qu’elle doit fermer ses yeux jusqu’au matin. Elle dit oui, se rallonge puis je retourne au lit.
1h20 du matin. Elle chouine, j’attends, l’oreille aux aguets, mais elle ne se calme pas, elle risque de réveiller son frère alors je vais la voir. Elle a perdu sa tétine, je la lui retrouve. J’ai de moins en moins de patience.
2h, elle hurle. Je vais la voir en grommelant, elle a poussé sa barrière pour essayer de sortir de son lit mais s’est coincée le pied dans un barreau. Je la libère, je lui demande un peu sèchement si elle voulait aller sur le pot, si elle a besoin de faire pipi ou caca. Elle me répond que non en secouant la tête et se recouche toute seule. Je retourne dans ma chambre.
2h30, elle crie. Je décide de ne pas aller la voir pour qu’elle se rendorme seule, après tout c’est moi l’adulte, je ne vais pas me laisser mener par le bout du nez, il faut que je dorme et elle aussi. Mais ses cris se transforment en hurlements qui vibrent dans toute la maison, j’ai l’impression qu’on égorge un cochon. Je me précipite, elle a vraiment besoin de moi. Effectivement, elle a fait pipi et caca dans son lit et hurle, debout, s’accrochant à sa tête de lit, attendant que je vienne la sauver. Je la nettoie, je change les draps, je la change, je lave son pyjama au lavabo, je la câline et je la recouche. Elle se laisse faire.
Elle dormira ensuite jusqu’au matin.

« Laisse, je m’en occupe », c’est une phrase de rêve, une phrase de la vie d’avant. La vie d’avant où je n’étais pas seule à porter le fardeau de la responsabilité parentale. Où je pouvais survivre aux réveils nocturnes grâce à une alternance équitable.
« Laisse, je m’en occupe », c’était une phrase grommelée par un mâle dans son sommeil, dans la vie d’avant. Je sentais son corps chaud se coller contre moi pour finalement se lever dans un demi-sommeil, avant de se recoucher après avoir calmé l’enfant.
« Laisse, je m’en occupe », c’était une phrase qui signifiait que je n’étais pas seule, que l’avenir serait radieux, parce qu’on était deux.

Cela fait belle lurette que je n’entends plus aucun « laisse, je m’en occupe », il paraît que je suis une femme forte, il paraît que je n’ai besoin de personne, alors mon lit est vide, personne ne s’occupe de mes enfants, personne ne s’occupe de moi, c’est comme ça.
De toute façon, qui suis-je pour imposer cela à quelqu’un qui n’est pas le père de mes enfants ? De quel droit lui ferai-je subir cette torture ? C’est ma vie à moi : mes enfants, les nuits hachées, les journées pleines de cris, le lendemain on recommence, encore et encore, c’est mon enfer à moi, c’est comme ça.


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